Certains décident d’anticiper leur mort par la rédaction d’un testament. Mais le monde digital dans lequel nous évoluons oblige à prévoir également sa mort numérique. Car les traces que nous laissons sur le web perdurent dans la mort : on parle « d’empreinte numérique ». Que deviennent toutes ces données après notre décès ? Par qui seront-elles gérées ? Le devenir de nos données post-mortem est un véritable enjeu sur lequel il convient de se pencher de son vivant. En effet, la conservation, la modification ou la suppression de cette survivance numérique relève d’une certaine responsabilité : celle de faire respecter la mémoire du défunt.

Qu’est-ce qu’un testament numérique ?

Notre patrimoine numérique

À l’ère du numérique, le droit à l’oubli est devenu un véritable enjeu. En effet, chaque individu laisse des traces numériques tout au long de sa vie, et sous une très grande variété de formes : emails, profil Google, posts et commentaires sur les réseaux sociaux (eux-mêmes pléthoriques entre Instagram, Facebook, Tik-tok, Linkedin ), blogs et sites personnels, banques de photos ou de musiques, contenus audios ou vidéos… sans compter tout ce que nous stockons sur le fameux cloud !

Tout ce que nous laissons derrière nous au fil de nos navigations, consciemment ou inconsciemment, forme notre « empreinte numérique ». Selon la valeur que nos productions digitales peuvent revêtir, on parle d’actifs numériques qui constituent notre “patrimoine numérique”.  Et c’est tout cela que devront gérer nos héritiers…

Préparer l’avenir de nos données

Après la mort, la conservation de ces informations participe à ce que l’on appelle la survivance de l’identité numérique du défunt.

Or, il est tout à fait possible, même essentiel, d’indiquer, de son vivant, le devenir de cette identité numérique, au même titre qu’un testament authentique classique, délivré à un notaire.

Le testament numérique permet de s’adapter aux nouveaux enjeux posés par l’usage des nouvelles technologies.

Pourquoi est-il important ?

Vous avez sans doute déjà vu sur les réseaux sociaux le profil d’une personne décédée. Et pour cause ! Dès 2013, dans son rapport d’activité annuel, la CNIL indiquait que “si rien n’est prévu, le web contiendra à terme plus de morts que de vivants”.

Les données numériques accumulées de son vivant ne conduisent pas nécessairement vers l’utopie de l’immortalité par la dématérialisation, mais posent tout de même une question morale, éthique, voire financière pour les contenus qui continueraient de générer des profits par exemple. Voilà pourquoi il est important de préparer l’avenir de ses données personnelles après sa mort.

En outre, si aucune disposition n’est prise, ses informations personnelles peuvent demeurer en ligne indéfiniment. D’où l’importance du testament numérique, pour faire connaître ses choix quant au devenir des traces numériques laissées sur la toile, et ainsi, sa survivance numérique.

En d’autres termes : là où le testament se rapporte à notre vie physique, le testament numérique se réfère à notre vie digitale.

Que dit la loi à ce sujet ?

La législation française actualise régulièrement le cadre juridique relatif à la protection des données numériques, devenu un véritable enjeu sociétal. La protection des données est donc encadrée par la loi. Un ensemble de dispositions permet de protéger les usagers des risques découlant de l’utilisation des services numériques. Mais le caractère personnel ou privé de ces données reste difficile à définir et souvent ambigu (d’où les actualisations). Il a fallu attendre le RGPD (le Règlement général sur la protection des données personnelles) pour définir ce que l’on désigne par « données à caractère personnel » : soit « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ». La personne peut donc également se révéler à travers des identifiants, numéros d’identification, données de localisation, etc.

Or, dans ce cadre, la gestion des données numériques post-mortem est une réelle problématique et les mesures prises peinent à y répondre pleinement, à l’échelle nationale comme mondiale. Ainsi, nous nous acheminons vers une reconnaissance progressive des mesures spécifiques les concernant, c’est-à-dire d’un droit à la mort numérique. À l’échelle nationale, la loi « Informatique et Libertés » du 1er juin 2019 et surtout la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 apportent ainsi des précisions récentes sur le devenir des données post-mortem. L’objectif étant de donner la possibilité aux individus d’anticiper la gestion de leurs données numériques après leur mort. Mais également de définir la place des héritiers dans cette gestion : c’est le principe d’héritage numérique.

Ainsi la loi permet à quiconque le souhaite de déterminer les directives concernant la communication, la conservation ou la suppression de ses données après sa mort.

Comment déterminer ce qu’il adviendra de nos données numériques après le décès ?

Concrètement, il est possible, de son vivant, d’exprimer ses ultimes volontés pour désigner la personne chargée de prendre connaissance du testament numérique et de faire exécuter les directives qui y sont établies.

Dans le cas contraire, cette tâche incombe aux héritiers, qui bénéficient en outre de certains droits sur les données numériques post-mortem, en particulier le droit d’accès, s’il s’avère nécessaire pour le règlement de la succession mais également le droit d’opposition pour procéder à la clôture de ses comptes et s’opposer au traitement des données !

À retenir. Le testament numérique permet trois choses essentielles.

1. Désigner une personne de confiance chargée de faire exécuter ses volontés concernant son héritage numérique.

2. Déterminer les sites utilisés comportant des données personnelles afin que la personne désignée puisse effectuer les demandes exprimées.

3. Déterminer l’action à réaliser pour chaque site : conservation, suppression ou téléchargement.

Que doit faire la personne désignée après le décès ?

Les droits et devoirs de héritiers

La personne de confiance ou les héritiers pourront formuler des demandes visant à mettre à jour ces données, faire cesser leur traitement, clôturer des comptes ou encore opérer une modification vers un compte commémoratif.

Le compte de commémoration

Sur les réseaux sociaux comme Facebook notamment, il est désormais possible de transformer le compte d’un défunt en « compte de commémoration ».

En quoi cela consiste-t-il ? Le compte de commémoration permet de laisser perdurer un site personnel ou la page d’un réseau social afin que son contenu reste visible de l’entourage du défunt.

Les directives : générales ou particulières

Comme dans toute succession, les directives demeurent de deux ordres :

  • Générales : elles portent sur l’ensemble des données.

Ainsi, le testateur peut exprimer la volonté que tous ses comptes soient supprimés après le décès. Les directives générales doivent être enregistrées auprès d’un tiers de confiance numérique.

  • Particulières : elles ne concernent que certains traitements de données, elles-mêmes spécifiques.

Ainsi, on peut exprimer la volonté que certains de nos comptes soient maintenus, d’autres effacés, d’autres encore téléchargés afin d’en conserver le contenu… Les directives particulières doivent être enregistrées auprès des responsables de traitement (c’est-à-dire directement auprès des gestionnaires des réseaux sociaux, par exemple.).

La pratique des nouvelles technologies et la place croissante du numérique ont induit un changement culturel majeur qui implique le passage du physique au digital. Or, si l’importance de la protection des données personnelles a peu à peu été prise en considération, il n’était question que du présent. Or, le devenir des données numériques et l’empreinte que nous laissons sur le web n’est pas une question anodine, compte tenu de l’impact des nouvelles technologies dans nos vies. Prévoir sa « mort numérique » devient tout aussi pertinent que prévoir sa disparition physique via les volontés indiquées dans son testament par acte authentique. Au risque de laisser le défunt dans la situation délicate d’une survivance numérique qu’il peut ne pas avoir choisie.