Il y a bien sûr, les erreurs de traduction historiques comme celle à laquelle on impute la capitulation du Japon, fin 1945. À l’issue de la conférence de Potsdam, l’expression utilisée par le Premier ministre japonais face à l’ultimatum prononcé par les Alliés fut mal traduite : là où il souhaitait s’abstenir de commentaires, sans doute pour gagner du temps, on lui attribua un refus net… Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis lançaient leurs bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.
Plus récemment, tout le monde se souvient du faux interprète en langue des signes lors de la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, en 2013 à Johannesburg. Admis, depuis, en hôpital psychiatrique, il avait fait mine de traduire les discours des dirigeants étrangers, dont celui de Barack Obama. Voilà des faits spectaculaires, qui nous interpellent tant ils paraissent extraordinaires. Mais les mauvaises interprétations existent malheureusement dans tous les domaines de la traduction. Il en est un qui n’y échappe pas, en effet, et les enjeux y sont pourtant de taille ! Ainsi, de prétendus experts officient bel et bien en traduction juridique.
Interprètes judiciaires : un métier
L’interprète judiciaire, aussi nommé interprète expert de justice (ou expert judiciaire), est un professionnel qui se doit d’être compétent en langues, mais aussi en droit (droit pénal, droit civil, droit administratif) des pays de la ou des langues concernées. Il met ses solides compétences et connaissances en droit et traduction juridique à la disposition de la justice.
L’expert interprète expert dans le cadre judiciaire, auprès des magistrats du Parquet, du Tribunal de Grande Instance ou de la Cour d’appel ; des magistrats du siège (juge de l’application des peines, juge d’instruction, etc.) ; des officiers de police judiciaire (commissariat, gendarmerie) ; de la préfecture ; des maisons d’arrêt, etc. Il intervient auprès des avocats, notaires, huissiers, cabinets d’expertise comptable, chambre des métiers, mairies… Il peut ainsi effectuer des missions d’interprétation judiciaire ou civile (extrajudiciaire) et offrir ses services de traduction interprétation lors d’une cérémonie de mariage, d’une signature de contrat, comme lors d’une garde à vue ou d’une audience pénale ! Mais il doit avant tout, être expérimenté dans son domaine de spécialité et doté d’une solide formation en langues et en droit.
C’est pourquoi, pour prétendre compter dans le sérail des experts judiciaires, il faut être inscrit à la Cour d’Appel de la juridiction ou agréé par la Cour de cassation, en qualité d’interprète en langue(s). L’interprète a prêté serment devant la Cour… et suit un code de déontologie.
Scandales à la loupe
Mais cela n’empêche pas les interprètes judiciaires autoproclamés, forcément doués de bagou, de s’immiscer dans ce milieu pourtant réservé aux élites. Commissariats et prétoires sont envahis de bruits de couloirs : interprétation erronée, entente et corruption… De simples mauvaises langues ? Zoom sur les scandales !
Et c’est bien sûr le Canard enchaîné qui dévoile certaines de ces sombres affaires. Le journal satirique mentionne ainsi :
- un agent immobilier qui officie au tribunal de Paris en tant que traducteur interprète roumain (et dont les collègues ont découvert qu’il ne parlait pas un mot de roumain…),
- un coach de body-building soi-disant expert en langues arabes mais qui traduit n’importe quoi d’après le témoignage d’un avocat horrifié,
- ou encore cette « prodige des langues » qui se targuait de posséder pas moins de sept langues et dont les énormes scories se sont retrouvées dans les procès-verbaux officiels des commissariats et tribunaux d’Ile-de-France ! Et si la fautive a finalement été condamnée, on imagine que ce n’est pas elle qui a payé le prix fort de ses erreurs.
Le Canard enchaîné va beaucoup plus loin, lorsqu’il dévoile, en 2015, que des milliers de professionnels, experts judiciaires, délégués de procureurs, enquêteurs sociaux et bien sûr traducteurs-interprètes collaborent avec le ministère de la Justice sans être déclarés, sans TVA et donc sans fiche de paie ni protection sociale, avec des délais de paiement pouvant s’étendre jusqu’à un an. Des interprètes au service de la loi qui travaillent dans l’illégalité !
Comment tout cela est-il possible ? Il semble coexister deux listes d’experts traducteurs interprètes de justice : une liste officielle et une liste « parallèle » établie par les Tribunaux de grande instance et sur laquelle peuvent figurer des non-professionnels bon marché et disponibles dans l’urgence (pour une garde à vue, une langue rare, etc.). Or, d’après la porte-parole de la commission Experts de la Société Française des Traducteurs, les critères de sélection de cette liste non officielle sont flous, voire cléments. Rappelons que la SFT œuvre pour la professionnalisation du métier de traducteur-interprète.
Les agences spécialisées : des experts, des vrais…
Certains interprètes ont simplement prêté serment pour être intronisés traducteurs… sans le moindre diplôme. Il existe pourtant bien une liste des experts agréés auprès des cours d’appel qui référence l’ensemble des (vrais) experts traducteurs en France. Mais alors comment se prémunir des faux experts ? Comment entendre la langue de bois derrière la langue (soi-disant) traduite ? Faire appel à une agence spécialisée est sans aucun doute le meilleur gage de sûreté. Les interprètes judiciaires, interprètes traducteurs assermentés référencés sur la liste de la Cour d’appel), interprètes en langue des signe, experts en leur domaine, y sont « triés » selon leurs connaissances et leurs compétences. Ils ont suivi les études et les formations adéquates. Ils bénéficient d’une solide expérience et sont généralement natifs des langues cibles.. Leurs traductions, orales et écrites sont irréprochables. Ainsi le cabinet Bonnefous, spécialiste en traduction juridique assermentée, l’agence D&V Translation, spécialisée en traduction financière, juridique, technique et médicale ou encore Traductions Assermentées… assurent à leurs clients ce qu’il se fait de meilleur en matière d’interprétation judiciaire, serments et déontologie à l’appui. Quant à l’AAE-ESIT, l’association des anciens élèves de l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs, place du Maréchal de Lattre de Tassigny, à Paris, elle propose un annuaire sérieux d’interprètes experts judiciaires et agréés, avec diplôme et compétences vérifiés.
L’interprète judiciaire permet à n’importe qui de faire valoir ses droits devant les tribunaux, et dans n’importe quelle langue. Son rôle est essentiel dans le système judiciaire. En tant que professionnel, expert en droit et en langues, il officie de manière neutre (il ne doit évidemment pas prendre parti !). Or, le choix des mots est primordial. Un bon interprète est forcément rigoureux : il doit être capable de traduire avec fidélité des propos aux lourdes conséquences. L’enjeu de son travail est grand. C’est un métier d’expert !